A la première lecture, mon réflexe naturel est de douter. Oh, non, quand même pas ?! Et pourtant, un début d'indice a déjà commencé à filtrer dans la presse. Vous vous souvenez sûrement de cette histoire de suivi des enfants dès 3 ans pour une détection précoce de la délinquance via l'analyse des troubles de conduites, le tout sorti sous le couvert du projet de la loi de prévention de la délinquance. Il aura fallut plus d'un an (récapitulatif sur cet article) pour que le discours autour de ce rapport évolue et que l'on tente de l'oublier.

Mais le fichage n'a pas été oublié...

Je n'ai pas l'intention de recopier ou plagier des articles qui résument assez bien le problème.

Comme point de départ, trois articles publiés par la ligue des droits de l'homme (LDH) de Toulon :

Un autre résumé.

Lisez-les ! (au moins le premier)

Une petite citation : Le véritable « plus » de Base-élève réside surtout dans certains champs à renseigner, qui nous en disent long sur les besoins statistiques invoqués : nationalité, résultats scolaires, suivis RASED (réseau d'aide spécialisé aux élèves en difficulté), langue et culture d’origine, absences, intervenants éventuels, situation familiale, santé, date d’entrée en France... Autant d’items qui montrent à l’évidence que le besoin éducatif des jeunes n’est pas la seule raison d’être de Base-élève. Car si ce n’est pour contrôler étroitement les populations étrangères, en quoi la nationalité d’un enfant ou son année d’arrivée en France nous intéresseraient-elles ? C’est ce qu’a confirmé l'inspection d’académie des Pyrénées-Orientales, où Base-élève est expérimentée depuis 2004, en reconnaissant « être la plus grande source d’information sur l’immigration ».

Édifiant, non ?

Et la promotion faite par le ministère du logiciel est intéressante (suivre le lien "Êtes-vous prêt pour base élèves ?"). On peut trouver des exemples sur tous les sites des académies. La Vienne en fait partie.

Soyons clair. Je ne doute aucunement de l'utilité d'un logiciel de gestion d'une école. Je ne doute nullement qu'une grande partie des informations présentes sont utiles. Mais les autres ? Cela soulève tellement de questions....

Je ne comprend en revanche pas pourquoi cela doit sortir de l'école, pourquoi les informations sur la langue ou l'origine géographique sont importantes. Je n'ai pas encore trouvé d'information concernant la durée de rétention des informations, qui y aura vraiment accès ?

Et le système est accessible via Internet. La documentation trouvée sur Internet laisse penser qu'il y a une clé USB (clé RSA ?). Mais regardez le titre de la page. Il y a peut-être une solution d'accès légère. Accès à quelles informations ? Dans la rubrique Les précautions prises de la page de présentation du projet on peut lire La "Base élèves 1er degré" a été déclarée à la CNIL. Belle précaution. Le simple fait que cette base soit déclarée à la CNIL dont les avis ne sont que consultatifs ne me rassure pas du tout sur l'usage qui peut en être fait... Quelle la puissance de cet outils dans les mains d'un gouvernement qui pourrait "s'extrémiser" ?

Une enseignante s'interroge : Nous ne savons pas trop où nous allons. Faut-il refuser fortement ? Faut-il seulement avertir, être vigilant sur les utilisations ? Jusqu’ici la publicité de cette « base élève » est bien discrète. Elle se met en place sans bruit. Brrr... (source)

Alors pour l'instant, je lance ces questions. Pas de jugement précoce. Je vais continuer à me renseigner et voir ce qu'il en est, en discuter avec les enseignantes que je connais et voir ce qu'elles en pensent, etc...

A suivre

Edition du 14 février 2007

Les 3 enseignantes a qui j'en ai parlé directement ne connaissaient pas ce système. J'ai continué de chercher sur Internet et pour l'instant, tout se fait dans la plus grande discrétion. La plupart des articles semblent avoir pour origine (copie) celui de SUD ou de la LDH...

Un très bon billet, Base élèves du premier degré, trouvé sur le site de la FCPE, dans un blog dédié aux nouvelles technologies de l'information.

Un PDF expliquant le fonctionnement de Sconet (33 pages / 2,90 Mo). Base élèves est un module de Sconet, documenté à partir de la page 20. Mais comme ce PDF est juste un outils de prise en main, on ne voit pas grand chose dans le détail. Il y a 9 onglets (identification, scolarité, responsables légal/financier, adresse, scolarités multiples, scolarités historique, sortie établissement, photo), et a priori rien d'inquiétant dans cette description. De quoi dégonfler la bulle ? Non, car je ne pense pas que la LDH ait tiré le signal d'alarme sans raison. Cette documentation n'est certainement pas complète.

En fouillant le web, on trouve quelques document montrant l'arrivée très discrète de la base. Par exemple, à partir du site de l'académie de Versailles (pratique car utilise Google en moteur de recherche), on trouve dans ce document (en petit, dans la colonne de gauche) :

Le département expérimente une nouvelle application, BASE ELEVE, partagée avec les collectivités territoriales, destinée au suivi des effectifs et des parcours des élèves et visant à faciliter le travail administratif des directeurs d’école. 57 écoles étaient concernées en 2005-2006. 200 écoles supplémentaires, dans l’ensemble des circonscriptions, sont concernées à la rentrée 2006. Le déploiement de l’application est prévu pour septembre 2007.



D'autres semblent partager l'inquiètude autour de l'usage non écrit qui pourrait être fait des informations. Paranoïa ? Peut-être...

Par contre, les interrogations sont nombreuses quant à l’existence du fichier centralisé départemental, à son contenu, à ses finalités et à son utilisation, actuels et futurs possibles. Le contexte politique de la période (loi de prévention de la délinquance, expulsion d’élèves de parents sans papiers, rapports divers (Benisti, Inserm,...), fusion des fichiers de chômeurs et des impôts, présence policière dans les établissements, propositions de carnet de développement de l’enfant qui le suivra de sa naissance à sa vie adulte,...) renforce les inquiétudes. Quelle est l’utilité, le besoin de ce fichier ? Quelles autres possibilités techniques pour les besoins statistiques du ministère (extraction volontaire par le rédacteur, le directeur, et envoi au demandeur (IA, IEN) selon les besoins) ? Quelle nécessité de l’accès total aux informations individuelles, autres que statistiques ? Quelles garanties que le contenu obligatoire des fiches n’évoluera pas ? (source SNUipp)

Encore une fois, ce n'est pas tant l'existence que la centralisation et l'automatisation qui peuvent être faites qui m'inquiète.

J'aimerai vraiment trouver un directeur d'école qui ait un accès à cette base pour montrer ce que c'est... En attendant, j'attends encore le retour de quelques personnes.

Edition du 06 avril 2007

Une référence très rapide à Base élèves dans un billet de 404 brain not found : Sarkozy sur sa vision de l'humanité: "on naît pédophile"

Ils pointent du doigt le projet de loi sur la prévention de la délinquance mais s'attarde assez peu sur la partie Base élève.

Depuis le premier article, j'ai recueilli finalement assez peu d'information complémentaires. L'étoufement médiatique de ce projet en période électorale est énorme. Pourtant, après les arrestations musclés en sortie de maternelle, cela pourrait ressortir dans la presse sous forme de couperet pour Sarkozy. Car au-delà du thème "étranger", on touche à l'enfant, ce qui est bien plus universel...

J'aime en tout cas la conclusion de l'auteur :

Finalement dans 1984, Orwell s'était trompé.

De 23 ans

Edition du 04 novembre 2008

Peu de nouvelles sur ce sujet et pourtant les choses avancent. J'ai été particulièrement attentif aux fiches de renseignements demandées à la fois par la mairie et par l'école lors de l'inscription ou des premiers jours. Je me suis appliqué à ne communiquer que des informations utiles (en quoi le nom de mon employeur et ma propre date de naissance sont des informations utiles à la gestion des activités extra scolaire de mes enfants ???) Pas de retour à ce jour, cela ne doit pas être si vital :-)

Sur le front de base élèves, les choses ont enfin bougées comme le stipule une note de la ligue des droits de l'homme : l'arrêté du 20 octobre 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au pilotage et à la gestion des élèves de l'enseignement du premier degré (ouf !) fait apparaître un net retrait des informations confidentielles demandées :

Il fixe en effet de manière limitative les données susceptibles d’être enregistrées et la durée de leur conservation, interdit notamment la collecte d’informations sur la nationalité et sur « l’origine raciale ou ethnique » (sic), limite l’accès des maires aux données qui relèvent strictement de leur compétence en la matière et impose l’anonymisation des données transmises aux services administratifs de l’Education nationale.

Comme le dit la LDH, Cet arrêté constitue sans aucun doute une victoire de la mobilisation !